Le 27 avril 1848, la France abolissait l'esclavage : décret français de l'abolition de l'esclavage.
Décret du 27 avril 1848
Ministère de la Marine et des Colonies - Direction des colonies
Au nom du peuple français,
Le Gouvernement provisoire,
Considérant que l'esclavage est un attentat contre la dignité humaine ; Qu'en détruisant le libre arbitre de l'homme, il supprime le principe naturel du droit et du devoir ; Qu'il est une violation flagrante du dogme républicain " Liberté-Egalité-Fraternité ";
Considérant que, si des mesures effectives ne suivaient pas de très près la proclamation déjà faite du principe de l'abolition, il en pourrait résulter dans les colonies les plus déplorables désordres ;
Décrète :
---Article 1---
L'esclavage sera entièrement aboli dans toutes les colonies et possessions françaises, deux mois après la promulgation du présent décret dans chacune d'elles. A partir de la promulgation du présent décret dans les colonies, tout châtiment corporel, toute vente de personnes non libres, seront interdits.
---Article 2---
Le système d'engagement à temps établi au Sénégal est supprimé.
---Article 3---
Les gouverneurs ou Commissaires généraux de la République sont chargés d'appliquer l'ensemble des mesures propres à assurer la liberté à la Martinique, à la Guadeloupe et dépendances, à l'île de la Réunion, à la Guyane, au Sénégal et autres établissements français de la côte occidentale d'Afrique, à l'île Mayotte et dépendances, et en Algérie.
---Article 4---
Sont amnistiés les anciens esclaves condamnés à des peines afflictives ou correctionnelles pour des faits qui, imputés à des hommes libres, n'auraient point entraîné ce châtiment. Sont rappelés les individus déportés par mesure administrative.
---Article 5---
L'assemblée nationale réglera la quotité de l'indemnité qui devra être accordée aux colons.
---Article 6---
Les colonies purifiées de la servitude et les possessions de l'Inde seront représentées à l'Assemblée nationale.
---Article 7---
Le principe " que le sol de la France affranchit, l'esclave qui le touche " est applicable aux colonies et possessions de la République.
---Article 8---
A l'avenir, même en pays étranger, il est interdit à tout Français de posséder, d'acheter ou de vendre des esclaves, et de participer, soit directement, soit indirectement à tout trafic ou exportation de ce genre. Toute infraction à ces dispositions entraîne la perte de la qualité de citoyen français. Néanmoins, les Français qui se trouveront atteints par ces prohibitions, au moment de la promulgation du présent décret, auront un délai de trois ans pour s'y conformer. Ceux qui deviendront possesseurs d'esclaves en pays étrangers, par héritage, don ou mariage, devront sous la même peine, les affranchir ou les aliéner dans le même délai, à partir du jour où leur possession aura commencé.
---Article 9---
Le ministre de la Marine et des Colonies et le ministre de la Guerre sont chargés, chacun en ce qui concerne, de l'exécution du présent décret.
Fait à Paris, en conseil de gouvernement, le 27 avril 1848.
Signé: les membres du Gouvernement provisoire.
Remarques : Les principes de liberté et d'égalité, hérités de la Révolution française, évoqués en préambule, annonçaient la théorie de l'assimilation politique des colonies mise en oeuvre par les régimes républicains du XIXe siècle.
Le délai de 2 mois devrait permettre la fin de la récolte de canne à sucre; mais les gouverneurs de la Martinique, puis de la Guadeloupe durent proclamer la liberté dès les 23, et 27 mai, devant les menaces de révolte des esclaves, informés par les courriers anglais de la décision prise à Paris.
L'article 2 supprimait le système de l'engagement "à temps", pratiqué pour mettre en valeur la vallée du Sénégal, qui autorisait le recrutement des esclaves théoriquement libérés avec promesse d'affranchissement.
L'originalité du décret français résidait dans son article 6, prévoyant l'élection de représentants des colonies au Parlement, élus au suffrage universel (par les hommes âgés de plus de 21 ans).